La persistance de la tradition à travers les entités de production
Après la mort de Staline, au sein des différents pays rattachés à l'URSS, l'architecture d'intérieur a été marquée par un renouvellement. Néanmoins, on a pu observer une certaine continuité au fil des décennies qui ont suivi. Celle ci se caractérise par la persistance d'une certaine tradition préexistant au régime communiste. Elle concerne les acteurs de ce domaine, les matériaux et les techniques utilisées pour réaliser les œuvres dont l’esthétique rappelle parfois celle de l’époque Stalinienne.
Certaines entités de production, animées par des idées traditionalistes, créées pendant la République Populaire de Pologne demeurent. Ceci peut être expliquée par la nature de l’économie polonaise. Elle est centralisée et par conséquent les coopératives, usines, et instituts chargés de la fabrication sont soit étatiques soit subordonnés à l’Etat.[1]
On le sait, ce contrôle est un des rôles de le Cepelia. Cette situation est le fruit de la nationalisation lancée dès 1946 par la loi adoptée par le Conseil National de l’Intérieur [Krajowa Rada Narodowa] le 3 janvier. Elle implique que toutes les entreprises employant plus de 50 ouvriers soient nationalisées et elle autorise le conseil des ministres à nationaliser toute entreprise de dimension inférieure si l’intérêt de l’économie nationale le justifie.[2]
Cette élimination du secteur privé continue entre 1947 et 1949, avec ce que l’on appelle « la bataille pour le commerce » [bitwa o handel] qui se caractérise par une suite de lois visant à limiter le secteur privé.[3]
C’est cette centralisation qui peut expliquer la continuité des entités de production dans la mesure où seule une initiative étatique peut conduire aux changements. En l'occurrence, elle eut lieu mais ne fut pas totale. En réalité, cette persistance des mêmes fabricants n’est pas toujours problématique, il s’agit souvent d’usines dont le seul but est la fabrication. On peut supposer que certains de ces lieux de fabrication soient moins avancés que d’autres sur le plan technologique et que les techniques employées ne soient pas le fruit d’une quelconque idéologie.
C'est notamment le cas du Centre de l’Industrie de l’Art Populaire [Centrala Przemyslu Ludowego i Artystycznego], plus communément appelé Cepelia.
C'est également le cas de la Lad bien que sa vision originelle n’est pas immuable puisqu’elle est marquée par les changements qui s’opèrent en Pologne entre 1956 et 1966.[4] Néanmoins les membres de la coopérative, cherchant à lui faire intégrer les principes de la modernité, échouèrent toutefois à la modifier fondamentalement. [5] Les propos de Wojciechowski commentant l’exposition consacrée aux 30 ans de la Lad en 1956 à Zacheta [6] s’accordent avec cet échec. Selon lui, les réalisations de certains membres de la coopérative sont certes modernes mais il s’agit d’exceptions par rapport au reste des réalisations. [7]
Enfin, concernant l’Institut du Design Industriel, on peut supposer que peu de changements s’opèrent. Wanda Telakowska, sa dirigeante, ne fut pas inquiétée et conserva même son poste, alors qu’elle défendait certaines idées mises en avant pendant la période du Réalisme Socialiste. [8] C’est peut-être en raison de son rôle dans le design polonais, étant donné qu’on la considère comme étant une des précurseurs en la matière. [9]
[1] MROZEK, Jozef, « Dekady polskich mebli », Meble Plus, 2009, n°9.
[2] BUHLER, Pierre, Histoire de la Pologne communiste : Autopsie d'une imposture, Paris, Karthala, 1997, p. 165.
[3] PADRAIC, Kenney, Rebuilding Poland, Workers and Communists 1945-50, Cornell, Cornell University Press, 1997, p. 192 – 198.
[4] MROZEK, Jozef, « Dekady polskich mebli», Meble Plus, 2009, n°9.
[5] HUML, Irena, « The Lad Cooperative : Background, Philosophy and Programme », in Anna Frackiewicz (dir.), Spółdzielnia artystów Ład : 1926-1996, tome 1, Varsovie, Muzeum Akademii sztuk pieknych, 1998, p. 29 – 36. p. 29.
[6] Cette exposition se déroule du 14.12.1956 au 11.01.1957. Voir Zacheta, Wystawy [Expositions], [en ligne], Disponible sur : andlt;https://zacheta.art.pl/pl/wystawy/archiwalne?date-from=1950-01-01andamp;date-to=2018-01-02andamp;page=20andgt; (consulté le 02.01.18).
[7] WOJCIECHOWSKI, Aleksander, « XXX-lecie « Ladu » i inne sprawy », Przemysl Ludowy i Artystyczny, 1957, n°1-2, p. 15.
[8] KOZIMA, Irma, Polski design [Le design polonais], Warszawa, SBM, 2015, p. 111.
[9] CZERWINSKI, Mikolaj, PRAGMATIC MODERNISM: PROJECT [PROJEKT] AND POLISH DESIGN, 1956-1970, Fine Arts, Kentucky : Université du Kentucky 2011. p. 94.
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